vendredi 30 mars 2012

Leçon n°6 : Qu'est-ce qu'un Etat de droit ?

Bibliographie indicative :

Une très bonne introduction :
L'Etat de Droit Jacques Chevallier
A voir aussi éventuellement :
L. Heuschling Etat de droit (très très précis)

Auteurs :
Locke Second Traité du Gouvernement
Kant Théorie et Pratique
C. Schmitt Théorie de la Constitution et Le Léviathan dans la doctrine de l'Etat de Hobbes
Hayek La route de la servitude, chapitre 11 "Origine de l'Etat de droit", chapitre 13 "Libéralisme et administration : le Rechtsstasst" et chapitre 15 "Politique économique et Etat de droit"
Kelsen Théorie pure du Droit (chapitre 6 en particulier : "Droit et Etat")
Kriegel L'Etat et les esclaves (première partie : "L'Etat de droit")
Foucault Naissance de la Biopolitique.
Jouanjan Figure de l'Etat de droit
Tosel Kant Révolutionnaire.

Articles :
"L'Etat de droit" in Revue du droit public 1988 n°2
"Etat de Droit" in Dictionnaire encyclopédique de théorie du Droit.
L'Etat de droit Colas D. ed. (ouvrage collectif)
"L'Etat de Droit" M. Troper in Cahiers de philosophie politique et juridique 1993 n°24.
Beaud "Critique de l'Etat de droit chez C. Schmitt" in Cahiers de philosophie politique n° 24.

Textes en lien avec le cours de PY Quiviger

Voici des liens vers les textes de Kant et Hobbes qui ont été cités et étudiés:
Kant Théorie et Pratique:
http://www.ac-grenoble.fr/PhiloSophie/file/kant_muglioni.pdf
Lire la 2ème partie surtout, et en particulier à partir des pages 46-47.

Hobbes Léviathan :
http://classiques.uqac.ca/classiques/hobbes_thomas/leviathan/leviathan_partie_2/leviathan_2e_partie.doc

Articles de Pfersmann et Troper :
http://www.cairn.info/resultats_recherche.php?searchTerm=Pfersmann

mercredi 28 mars 2012

Cours du Jeudi 29 mars MODIFICATION !!!!!!!!!!!!

Le cours de demain aura finalement lieu en salle :

П1 du ГУМ 2

de 9h00 à 12h00

(et non pas 1 comme annoncé)
J'espère que vous aurez ce message à temps :)

lundi 26 mars 2012

Réunion Mémoire de Philosophie !!!!

Pour rappel
En prévision de la deuxième année à venir, M. P.Y Quiviger, directeur de l'UFR de philosophie de la Sorbonne, et co-directeur des Collèges Universitaire Français de Russie, se propose de répondre aux questions générales et individuelles au sujet des Mémoires de philosophie (thèmes, pertinences, angles d'étude possibles, professeurs à contacter, potentiels directeurs de mémoire, et aspects plus généraux et pratiques)

 MERCREDI 28 AVRIL à 16H00 en Salle Г 203.

Pour ceux qui envisagent donc de préparer un mémoire de philosophie l'an prochain, votre présence est donc plus que souhaitable ...  :) C'est une réelle opportunité qui ne se représentera plus !!

Textes du 4ème Cours de P.Y. Quiviger : La Propriété

Textes du Cours n°4
La Propriété

1/ Code civil (1804)
Art. 544. La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.
Art. 545. Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

2/ Kant, Métaphysique des Mœurs, doctrine du Droit §33
Celui qui n’exerce pas un acte de possession continu (actus possessorius) sur une chose extérieure tenue pour sienne, est regardé à bon droit comme quelqu’un qui, en tant que possesseur, n’existe pas ; car il ne peut pas se plaindre d’être lésé, tant qu’il ne s’autorise pas du titre de possesseur ; et si ultérieurement, alors qu’un autre en a déjà pris possession, il la revendique également, il ne fait que dire qu’il en a été autrefois propriétaire mais non pas qu’il l’est encore ni que la possession, malgré l’absence d’un acte juridique continu, est restée ininterrompue.

3/ Kant, Ibid. Appendice 6.
Il est absurde d’admettre que ce qui n’est pas un droit devienne finalement un droit du fait que la situation a duré longtemps. L’usage (si long soit-il) suppose un droit sur la chose : loin s’en faut que le droit privé doive se fonder sur l’usage. Ainsi l’usucapion (usucapio) en tant qu’acquisition par un long usage de la chose est en elle-même un concept contradictoire.

4/ Kant Ibid.
J’acquiers donc sans avoir à produire de preuve et sans aucun acte juridique – je n’ai pas besoin de prouver – mais j’acquiers par la loi (lege), et quoi donc ? L’immunité publique à l’égard des prétentions, c’est-à-dire la garantie légale de ma possession, venant de ce que je n’ai pas à produire de preuve et de ce que je me fonde sur une possession ininterrompue.

5/ Michel Villey, La pensée juridique Moderne. Pages 246-247.
Le fait aveuglant, capital pour l’histoire du droit (…) est que le dominium appelé par nous droit de propriété, devenu l’archétype et le modèle du droit subjectif, ne nous est pas présenté à Rome sous le qualificatif de droit. (…) on y oppose ces deux notions : « sive dominus, sive is qui jus in re habet ». (…) Le jus utendi fruendi des Romains ne signifie pas la faculté d’user et de jouir de la chose. Autrement le propriétaire détenant la pleine propriété se verrait attribuer ce jus, ce qui n’est pas le cas. (…) le jus romain [est] toujours une chose, et non la maîtrise sur une chose. (…) l’obligation, l’usufruit ou les servitudes, qui sont qualifiés de jura (…) sont des choses, des objets de commerce ; on affirme qu’un jus est sien et vous appartient, on revendique un jus aussi bien qu’une chose corporelle. (…) Le jus est le lot qui vous est attribué, c’est le résultat du partage.

6/ M. Villey, ibid.
Nous devons être sceptiques lorsque nous entendons parler quelquefois encore (…) de l’absolutisme prétendu de la propriété romaine : il se peut qu’en fait le dominium, à beaucoup d’égards, ait été le pouvoir absolu ; seulement le droit romain s’abstient de consacrer cet absolutisme, de lui donner sa garantie ; ce n’est point son office ; il ne qualifie point les puissances ; n’en fait pas des droits. Il trace les limites des domaines ; ce qui se passe sur chaque domaine, les rapports du propriétaire avec le domaine qui lui échoit, cela ne le concerne pas. La puissance absolue qu’exerce le maître romain sur sa chose, ce n’est point du droit, c’est le silence, ce sont les lacunes du droit. Il n’y a pas, en droit romain, de définition du contenu du prétendu droit subjectif de propriété.

7/ Rousseau Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes.
Le premier qui ayant enclos un terrain, s’avisa de dire, ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d’horreurs, n’eût point épargnés au Genre-humain celui qui arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables. Gardez-vous d’écouter cet imposteur ; Vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la Terre n’est à personne.

8/ Rousseau Ibid.
Il s’élevait entre le droit du plus fort et le droit du premier occupant un conflit perpétuel qui ne se terminait que par des combats et des meurtres.

9/ Rousseau Ibidem.
Telle fut, ou dut être l’origine de la Société et des Lois, qui donnèrent de nouvelles entraves au faible et de nouvelles forces au riche, détruisirent sans retour la liberté naturelle, fixèrent pour jamais la Loi de la propriété et de l’inégalité, d’une adroite usurpation firent un droit irrévocable, et pour le profit de quelques ambitieux assujettirent désormais tout le Genre-humain au travail, à la servitude et à la misère.

10/ Locke, Le Second Traité du Gouvernement V, §27.
Bien que la terre et toutes les créatures appartiennent en commun à tous les hommes, chaque homme est cependant propriétaire de sa propre personne. Aucun autre que lui-même ne possède un droit sur elle. Le travail de son corps et l’ouvrage de ses mains, pouvons-nous dire, lui appartiennent en propre. Il mêle son travail à tout ce qu’il fait sortir de l’état dans lequel la nature l’a fourni et laissé, et il y joint quelque chose qui est sien ; par là il en fait sa propriété. (…) ce travail étant indiscutablement la propriété de celui qui travaille, aucun autre homme que lui ne peut posséder de droit sur ce à quoi il est joint, du moins là où ce qui est laissé en commun pour les autres est en quantité suffisante et d’aussi bonne qualité.

11/ Locke Ibid, §29.
Celui qui se nourrit des glands qu’il ramasse sous un chêne et des pommes qu’il cueille sur les arbres de la forêt se les est certainement appropriés. Personne ne peut nier que cette nourriture soit à lui. Je demande donc à quel moment elle devient sienne ? Quand il la digère ? quand il la mange ? quand il la fait cuire ? quand il la rapporte chez lui ? ou bien lorsqu’il l’a ramassée ? Il est évident que si le fait de la ramasser ne suffit pas à la rendre sienne, rien d’autre ne le pourra. Ce travail a mis une distinction entre elle et les choses communes. C’est lui qui y a ajouté quelque chose de plus que ce que la nature, qui est la mère commune de tout, avait fait ; par là, elle relève désormais de son droit privé.

12/ Locke, Ibid §31.
On objectera peut-être à cela que si le fait de ramasser des glands (…) donne un droit sur eux, chacun peut en accumuler autant qu’il voudra. A quoi je réponds : il n’en est pas ainsi ; la même loi de nature qui, par ce moyen, nous confère la propriété, limite également cette propriété. « Dieu nous a donné toutes choses en abondance » (I. Timo., VI, 17) c’est la voix de la raison, confirmée par l’inspiration. Mais jusqu’où nous les a-t-il données ? Pour en jouir. Dans l’exacte mesure où quelqu’un peut en faire usage avantageusement pour son existence avant qu’elles ne se gâtent, il peut alors y attacher sa propriété grâce à son travail.

13/ Locke, Ibid §37.
Quiconque employait ses peines à transformer les produits spontanés de la nature, et les modifiait d’une manière ou d’une autre en les tirant de l’état où la nature les avait mis et en y annexant son travail, celui-là acquérait par là une propriété sur toutes ces choses. Mais si celles-ci se gâtaient entre ses mains, sans servir comme elles l’auraient dû, si les fruits pourrissaient ou si la venaison se putréfiait sans qu’il ait pu les consommer, il péchait contre la loi commune de la nature et méritait d’être puni ; il empiétait sur la part du voisin, car il n’avait aucun droit au-delà de ce dont il était en mesure de faire usage, et qui pouvait servir à lui procurer une vie commode.

14/ Marx
La propriété de la marchandise antérieure à l’échange, c’est-à-dire la propriété d’une marchandise qu’on ne s’est pas appropriée par le moyen de la circulation, mais qui, au contraire, doit d’abord entrer dans celle-ci, a directement pour origine le travail de celui qui la possède, et (…) le travail est le mode primitif de l’appropriation. En tant que valeur d’échange, la marchandise n’est rien que produit, travail matérialisé.

15/ Marx
Le travail et la propriété du résultat de son propre travail se présentent donc comme la condition fondamentale, sans laquelle ne pourrait avoir lieu l’appropriation secondaire par le moyen de la circulation. La propriété fondée sur le travail personnel constitue donc, dans le cadre de la circulation, la base de l’appropriation du travail d’autrui. (…) Et comme (…) on ne peut acquérir de marchandise d’autrui, donc du travail d’autrui, qu’en aliénant le sien propre, le procès d’appropriation de la marchandise, antérieure à la circulation, apparaît nécessairement (…) comme une appropriation réalisée grâce au travail. (…)  La circulation montre simplement comment cette appropriation immédiate transforme, par le truchement d’une opération sociale, la propriété de son travail propre en propriété de travail social.

16/ Marx, section VII du livre I du Capital, dans l’édition allemande
la loi de l’appropriation fondée sur la production et la circulation marchandes ou loi de la propriété privée, se transforme rigoureusement, en vertu de sa propre dialectique immanente et inévitable, en son contraire. L’échange d’équivalents, qui apparaissait comme l’opération initiale, se révèle échange fictif (…). Ainsi le rapport de l’échange entre le capitaliste et l’ouvrier n’est plus qu’une apparence qui, comme telle, est propre au procès de circulation, simple forme qui est étrangère au contenu et ne fait que le mystifier. (…) Primitivement, le droit de propriété nous apparaissait comme fondé sur le travail personnel. (…) Maintenant, la propriété nous apparaît, du côté du capitaliste, comme le droit de s’approprier du travail étranger impayé ou le produit de ce travail ; du côté de l’ouvrier comme l’impossibilité de s’approprier son propre produit. La séparation entre la propriété et le travail devient la conséquence nécessaire d’une loi qui apparemment avait pour point de départ leur identité.




17/ Locke Second Traité
aucun autre homme que lui ne peut posséder de droit sur ce à quoi il est joint, du moins là où ce qui est laissé en commun pour les autres est en quantité suffisante et d’aussi bonne qualité

18/ Robert Nozik, Anarchie, État et utopie
Le fait de mettre une clôture autour d’un territoire, vraisemblablement, rendrait quelqu’un propriétaire de la seule clôture (et de la terre située juste sous cette clôture). (…) Pourquoi donc le fait de mêler son propre travail à quelque chose rendrait la personne propriétaire de ce quelque chose ? (…) pourquoi est-ce que le fait de mêler ce que je possède à ce que je ne possède pas devient une façon de perdre ce que je possède plutôt qu’une façon de gagner ce que je ne possède pas ? Si je possède une boîte de jus de tomate et que j’en verse le contenu dans la mer, de telle façon que ses molécules (rendues radio-actives, ainsi je peux vérifier la chose) se mélangent de façon égale à travers toute la mer, est-ce que j’en viens par là à posséder la mer ou est-ce que j’ai, de façon stupide, perdu mon jus de tomate ?

19/ R. Nozik Ibid.
Si le fait que je m’approprie l’ensemble d’une certaine substance viole la clause telle que l’a établie Locke, alors il en va de même du fait que je m’en approprie un peu et que j’achète tout le reste aux autres qui l’ont obtenue sans violer, par ailleurs, la clause restrictive de Locke. Si la clause exclut le fait que quelqu’un s’approprie toute l’eau potable du monde, cela exclut également le fait qu’il l’achète toute entière.

20/ R. Nozik, Ibid.
Quelqu’un peut voir sa situation se détériorer de deux façons en raison de l’appropriation par quelqu’un d’autre : premièrement, en perdant la possibilité d’améliorer sa situation par une appropriation particulière ou une autre ; et deuxièmement, en n’étant plus capable d’utiliser librement (sans appropriation) ce qu’il pouvait utiliser antérieurement.

21/ R. Nozik . Ibid
Entre quelqu’un qui s’empare de toutes les ressources publiques, et quelqu’un qui s’arrange pour que ses ressources totales soient des substances que l’on peut aisément obtenir, il existe quelqu’un qui s’approprie les ressources totales de quelque chose d’une façon qui n’en prive pas les autres ; par exemple, quelqu’un trouve une nouvelle substance dans un endroit très lointain, il découvre que cette substance guérit efficacement une certaine maladie et s’en approprie les ressources totales. Il ne détériore pas la situation des autres ; s’il n’était pas tombé par hasard sur cette substance personne d’autre ne l’aurait fait, et les autres resteraient sans pouvoir s’en servir.






Textes du 3ème Cours de P.Y. Quiviger : L'obligation et la dette.

Textes du Cours n°3
L’obligation et la dette.

1/ Nietzsche, La généalogie de la morale, Deuxième traité, § 4,
Durant la plus longue période de l’histoire humaine, le châtiment ne se pratiquait absolument pas parce qu’on rendait le malfaiteur responsable de son forfait, donc absolument pas en présupposant qu’on ne doit punir que le coupable : mais, au contraire, comme aujourd’hui encore les parents châtient leurs enfants par colère provoquée par un dommage subi, colère qui se décharge sur l’auteur du dommage, cette colère étant maintenue dans certaines limites et modifiée par l’idée que tout dommage trouve son équivalent quelque part et peut être effectivement payé quand bien même ce serait par une souffrance infligée à son auteur. D’où vient la puissance qu’a acquise cette idée extrêmement ancienne, profondément enracinée, voire désormais inextirpable, l’idée d’une équivalence du dommage et de la souffrance ? Je l’ai déjà révélé : de la relation contractuelle entre le créancier et le débiteur, qui existe depuis qu’il y a des « sujets de droits », et qui à son tour renvoie aux formes premières de l’achat, de la vente, du troc et du commerce.

2/ Nietzsche, La généalogie de la morale, Deuxième traité, § 5
Le débiteur, pour inspirer confiance en sa promesse de remboursement, pour donner un gage de sérieux et de la sainteté de sa promesse, pour inculquer à sa conscience le devoir, l’obligation de rembourser, gage par contrat avec son créancier, pour le cas où il ne rembourserait pas, une chose qu’il « possède » encore par ailleurs, sur laquelle il a encore puissance, par exemple son corps, sa femme, ou sa liberté ou encore sa vie (…) Or le créancier pouvait en fait infliger au corps du débiteur toutes sortes d’outrages et de tortures, par exemple découper ce qui paraissait approprié au montant de la dette : et il y eut à cet égard très tôt et en tous lieux des estimations exactes, entrant parfois d’une façon horrible dans le détail le plus minutieux, se rapport suivant la règle aux membres et à chaque partie du corps
3/ Nietzsche, La généalogie de la morale, Deuxième traité, § 8
La relation personnelle la plus ancienne et la plus originelle qui soit, dans la relation entre l’acheteur et le vendeur, le créancier et le débiteur : ici, pour la première fois, une personne s’affronta à une personne, ici pour la première fois, une personne se mesura à une personne. On ne connaît point de degré de civilisation si rudimentaire qu’elle ne recèle quelque trace de cette relation. Etablir des prix, estimer des valeurs, concevoir des équivalents, troquer – voilà qui a occupé les toutes premières pensées de l’homme à un point tel que dans un certain sens, il s’agit là de la pensée (…). L’achat et la vente, avec leurs accessoires psychologiques, sont plus anciens que les commencements de quelque forme et lien d’organisation sociale que ce soit : c’est plutôt de la forme la plus rudimentaire du droit de la personne que le sentiment de l’échange, du contrat, de la dette, du droit, de l’obligation, de la compensation s’est transposé dans les ensembles sociaux les plus grossiers et les plus primitifs (…). A ce premier degré, la justice est la bonne volonté, entre puissances à peu près équivalentes, de s’arranger, de « s’entendre » à nouveau grâce à une compensation – et, s’agissant des moins puissants, de les y contraindre entre eux.
4/ Eugène Gaudemet, Théorie générale des obligations, rééd. Dalloz, p. 5-6
Une personne prête à une autre 1.000 francs. L’emprunteur est tenu de restituer ; le prêteur a le droit d’exiger la restitution. Une personne commande à un peintre un tableau. Le peintre est tenu de l’exécuter ; l’auteur de la commande a un droit à cette exécution. Un commerçant convient avec un autre qu’il n’établisse pas dans la même ville un commerce similaire. La situation est analogue. Dans ces trois espèces, que voyons-nous ? Deux personnes seulement : l’une appelée créancier, l’autre, débiteur. La première a le droit d’exiger de la seconde soit une prestation (remise de valeur) dans le premier cas, soit un fait dans le deuxième cas, soit une abstention dans le troisième. Le droit du premier est une créance ; la charge du deuxième est une obligation. Dans le cas où l’objet de cette obligation est une prestation de valeur pécuniaire, l’obligation est aussi appelée dette.
Le droit personnel est donc le droit d’exiger d’une personne déterminée une prestation, un fait ou une abstention. Du côté du créancier, c’est un droit de contrainte contre le débiteur ; du côté du débiteur, c’est une nécessité juridique à laquelle il est soumis. C’est un lien entre deux personnes, l’une sujet actif, l’autre sujet passif du droit personnel.

 5/ Code Civil, Art.1101.
Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose.

6/ Code Civil, Art. 1382.
Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

7/ Institutes de Justinien (III, 13, pr.) en 533 :
Obligatio est juris vinculum, quo necessitate adstringimur alicujus solvendare rei secundum nostrae civitatis jura.

dans la traduction de Jean Gaudemet in Droit privé romain, p. 253:
L’obligation est un lien de droit par lequel nous sommes astreints à la nécessité de payer quelque chose conformément au droit de notre cité.

8/ Girard, Manuel élémentaire de droit romain, p. 406
Le droit personnel porte sur une personne. C’est une limitation à la liberté de cette personne, astreinte par là à un acte positif ou négatif auquel elle ne serait pas tenue si elle n’était pas dans les liens de l’obligation.
9/ Canguilhem, Le normal et le pathologique, p. 155.
L’état pathologique peut être dit, sans absurdité, normal, dans la mesure où il exprime un rapport à la normativité de la vie. Mais ce normal ne saurait être dit sans absurdité identique au normal physiologique car il s’agit d’autres normes. L’anormal n’est pas tel par absence de normalité. Il n’y a point de vie sans normes de vie, et l’état morbide est toujours une certaine façon de vivre. 
10/ Code civil, Art. 1134
Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
11/ Hume, Traité de la nature humaine III.
Dans chacun des systèmes de moralité que j’ai jusqu’ici rencontrés, j’ai toujours remarqué que l’auteur procède pendant un certain temps selon la manière ordinaire de raisonner, établit l’existence d’un Dieu ou fait des observations sur les affaires humaines, quand tout à coup j’ai la surprise de constater qu’au lieu des copules habituelles, est et n’est pas, je ne rencontre pas de proposition qui ne soit liée par un doit ou un ne doit pas. C’est un changement imperceptible, mais il est néanmoins de la plus grande importance. Car, puisque ce doit ou ne doit pas expriment une certaine relation ou affirmation nouvelle, il est nécessaire qu’elle soit soulignée ou expliquée, et qu’en même temps soit donnée une raison de ce qui semble tout à fait inconcevable, à savoir, de quelle manière cette relation nouvelle peut être déduite d’autres relations qui en diffèrent du tout au tout
12/ Kant, Métaphysique des Mœurs, introduction.
L’impératif est une règle pratique par laquelle l’action en elle-même contingente est rendue nécessaire. (…) L’impératif est donc une règle dont la représentation rend nécessaire l’action subjectivement contingente et qui représente par conséquent le sujet comme devant être contraint (nécessité) de se conformer à cette règle.
13/ Bourdieu, Langage et pouvoir symbolique.
Les rituels représentent la limite de toutes les situations d’imposition où, à travers l’exercice d’une compétence technique qui peut être très imparfaite, s’exerce une compétence sociale, celle du locuteur légitime : Benveniste remarquait que les mots qui, dans les langues indo-européennes, servent à dire le droit se rattachent à la racine dire. Le dire droit, formellement conforme, prétend par là-même, et avec des chances non négligeables de succès, à dire le droit, c’est-à-dire le devoir-être. Ceux qui, comme Max Weber, ont opposé au droit magique ou charismatique du serment collectif ou de l’ordalie, un droit rationnel fondé sur la calculabilité et la prévisibilité, oublient que le droit le plus rigoureusement rationalisé n’est jamais qu’un acte de magie sociale qui réussit.
Le discours juridique est une parole créatrice, qui fait exister ce qu’elle énonce. Elle est la limite vers laquelle prétendent tous les énoncés performatifs, bénédictions, ordres, souhaits ou insultes : c’est-à-dire la parole divine, de droit divin, qui, comme l’intuitus originarius que Kant prêtait à Dieu, fait surgir à l’existence ce qu’elle énonce, à l’opposé de tous les énoncés dérivés, constatifs, simples enregistrements d’un donné préexistant.

14/ Bourdieu, ibid.
Le juge peut se contenter de dire « je vous condamne » parce qu’il existe un ensemble d’agents et d’institutions qui garantissent que sa sentence sera exécutée. La recherche du principe proprement linguistique de la « force illocutionnaire » du discours cède ainsi la place à la recherche proprement sociologique des conditions dans lesquelles un agent singulier peut se trouver investi, et avec lui sa parole, d’une telle force. Le principe véritable de la magie des énoncés performatifs réside dans le mystère du ministère [allusion à une remarque de Kantorowicz : ministerium et mysterium sont interchangeables dans le christianisme primitif], c’est-à-dire de la délégation au terme de laquelle un agent singulier, roi, prêtre, porte-parole, est mandaté pour parler et agir au nom du groupe, ainsi constitué en lui et par lui.

15/ Sieyès, Reconnaissance et exposition raisonnée des droits de l’homme et du citoyen
Les avantages qu’on peut retirer de l’état social ne se bornent pas à la protection efficace et complète de la liberté individuelle ; les citoyens ont droit encore à tous les bienfaits de l’association. Ces bienfaits se multiplieront, à mesure que l’ordre social profitera des lumières que le temps, l’expérience et les réflexions répandront dans l’opinion publique. L’art de faire sortir tous les biens possibles de l’état de société est le premier et le plus important des arts. Une association combinée pour le plus grand bien de tous, sera le chef d’œuvre de l’intelligence et de la vertu.



jeudi 22 mars 2012

Textes du 2ème Cours de P.Y. Quiviger : Droit objectif - droits subjectifs.

Textes pour le Cours n°2 de P.Y. Quiviger

1/ Arrêt Giry de la Cour de cassation (Cass. civ. 23 nov. 1956, Trésor Public c. Giry
attendu que la juridiction de l'ordre judiciaire, régulièrement saisie en vertu de des principes de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance du pouvoir judiciaire, était appelée à se prononcer, au fond, sur un litige mettant en cause la responsabilité de la puissance publique, dont l'exercice du pouvoir judiciaire constitue, au premier chef, une manifestation ; - Attendu que la Cour d'appel s'est appuyée, à tort, sur les dispositions de droit privé relatives aux délits et quasi-délits, qui ne peuvent être invoquées pour fonder la responsabilité de l'Etat ; qu'elle avait, en revanche, le pouvoir et le devoir de se référer, en l'espèce, aux règles du droit public…
2/ Art. L. 1111-10. - Lorsqu'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, décide de limiter ou d'arrêter tout traitement, le médecin respecte sa volonté après l'avoir informée des conséquences de son choix. La décision du malade est inscrite dans son dossier médical.
Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10.

3/ Arrêt du 26 octobre 2001, le Conseil d’Etat
Considérant que pour confirmer le rejet par le tribunal administratif de la demande de Mme X tendant à ce que l’Assistance publique soit condamnée à raison du préjudice qui serait résulté pour son mari de la méconnaissance de la volonté qu’il avait exprimée, la cour administrative d’appel de Paris s’est fondée sur ce que : "... l’obligation faite au médecin de toujours respecter la volonté du malade en l’état de l’exprimer (...) trouve (...) sa limite dans l’obligation qu’a également le médecin, conformément à la finalité même de son activité, de protéger la santé, c’est-à-dire en dernier ressort, la vie elle-même de l’individu ; que par suite, ne saurait être qualifié de fautif le comportement de médecins qui, dans une situation d’urgence, lorsque le pronostic vital est en jeu et en l’absence d’alternative thérapeutique, pratiquent les actes indispensables à la survie du patient et proportionnés à son état, fût-ce en pleine connaissance de la volonté préalablement exprimée par celui-ci de les refuser pour quelque motif que ce soit" ; qu’elle a ainsi entendu faire prévaloir de façon générale l’obligation pour le médecin de sauver la vie sur celle de respecter la volonté du malade ; que, ce faisant elle a commis une erreur de droit justifiant l’annulation de son arrêt ;
4/ Ordonnance du 16 août 2002 qui intervient après une loi, celle du 4 mars 2002, qui consacre la possibilité de refuser un soin pour le patient.
Considérant que l'article 16-3 du code civil dispose : "Il ne peut être porté atteint à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité thérapeutique pour la personne. Le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir" ; qu'aux termes de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique, dans la rédaction que lui a donnée la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : "Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé. Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de son choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d'interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en œuvre pour la convaincre d'accepter les soins indispensables. Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment" ;
Considérant que le droit pour le patient majeur de donner, lorsqu'il se trouve en état de l'exprimer, son consentement à un traitement médical revêt le caractère d'une liberté fondamentale ; que toutefois les médecins ne portent pas à cette liberté fondamentale, telle qu'elle est protégée par les dispositions de l'article 16-3 du code civil et par celles de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique, une atteinte grave et manifestement illégale lorsqu'après avoir tout mis en œuvre pour convaincre un patient d'accepter les soins indispensables, ils accomplissent, dans le but de tenter de le sauver, un acte indispensable à sa survie et proportionné à son état ; que le recours, dans de telles conditions, à un acte de cette nature n'est pas non plus manifestement incompatible avec les exigences qui découlent de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment de son article 9

mercredi 21 mars 2012

Textes du 1er Cours de P.Y. Quiviger ; Jusnaturalisme et positivisme juridique

Voici les textes que M. P.Y. Quiviger va citer dans son cours :

Textes du cours 1 de P.Y. Quiviger :

Par « jusnaturalisme », j’entendrai le courant qui admet la distinction entre droit naturel et droit positif, et qui soutient la suprématie du premier sur le second. Par « positivisme juridique », j’entendrai celui qui n’admet pas cette distinction et affirme qu’il n’existe pas de droit en dehors du droit positif.
Noberto Bobbio. Essais de théorie du droit (Bruylant/LGDJ, p. 39)


L'Athènes du VIème siècle avant Jésus-Christ avait été le lieu d'une extraordinaire valorisation de la loi. Dans une vision du monde pessimiste, illustrée par la sombre peinture de l'âge de fer chez Hésiode, le règne de la loi apparaissait comme un refuge contre les aléas du monde naturel. Mais, dans le même temps, la philosophie des "Physiciens" ioniens avait montré que la nature n'était chaotique qu'en apparence et qu'elle recelait en réalité un ordre rationnel, qu'il s'agissait de découvrir et auquel l'homme n'avait plus qu'à se conformer. La réhabilitation de la nature devait un jour ou l'autre entrer en conflit avec la valorisation de la loi : si la loi avait été saluée comme le correctif d'une nature jugée mauvaise, elle ne pouvait être ressentie, par rapport à une nature tenue désormais pour rationnelle, que comme un artifice sans fondement. Tel fut au Vème siècle le point de vue de la plupart des sophistes, qui, en opposant la nature et la loi, entendaient par loi (nomos) tout ce qui, étant de l'ordre de la convention, non seulement s'ajoute à la nature, mais quelquefois la contredit ou l'aliène.
Aubenque "La loi selon Aristote", Archives de philosophie du droit, n° 25, p. 151.


... d'elle-même la nature, au rebours, révèle, je pense, que ce qui est juste, c'est que celui qui vaut plus ait le dessus sur celui qui vaut moins et celui qui a une capacité supérieure, sur celui qui est davantage dépourvu de capacité. Qu'il en est ainsi, c'est d'ailleurs ce qu'elle montre en maint domaine : dans le reste du règne animal comme dans les cités des hommes et dans leurs familles, où l'on voit que le signe distinctif du juste, c'est que le supérieur commande à l'inférieur et ait plus que lui.
Platon, Gorgias 426d.


A ce qu'assurent les doctes, Calliclès, le ciel et la terre, les Dieux et les hommes sont liés entre eux par une communauté, faite d'amitié et de bon arrangement, de sagesse et d'esprit de justice, et c'est la raison pour laquelle, à cet univers, ils donnent, mon camarade, le nom de cosmos, d'arrangement, et non celui de dérangement non plus que de dérèglement. Or, toi qui pourtant es un docte, tu me sembles n'être pas attentif à ces considérations : il t'a échappé au contraire que l'égalité géométrique possède un grand pouvoir, chez les Dieux aussi bien que chez les hommes. Mais toi, c'est à avoir davantage que l'on doit, penses-tu, travailler, et tu es indifférent à la géométrie!
Platon Gorgias 507e-508b.


Pour bien entendre en quoi consiste le pouvoir politique, et connaître sa véritable origine, il faut considérer dans quel état tous les hommes sont naturellement. C'est un état de parfaite liberté, un état dans lequel, sans demander de permission à personne, et sans dépendre de la volonté d'aucun autre homme, ils peuvent faire ce qu'il leur plaît, et disposer de ce qu'ils possèdent et de leurs personnes, comme ils jugent à propos, pourvu qu'ils se tiennent dans les bornes de la loi de la Nature.
Locke Traité du gouvernement civil II. Page 173 GF.


Je n'ai pas l'intention de discuter ici tous les arguments avancés par les défenseurs de la propriété privée de la terre - juristes, philosophes, économistes. Je me bornerai à remarquer dès l'abord qu'ils déguisent le fait initial de la conquête sous le manteau du "droit naturel". (...) Dans le cours de l'histoire, les conquérants jugèrent utiles d'assurer à leurs premiers titres, obtenus de vive force, une certaine sanction sociale, par le moyen de lois qu'ils imposèrent.
Marx La nationalisation de la terre Pléiade T1. Page 1476.


.. le Droit de propriété n'étant que de convention et d'institution humaine, tout homme peut à son gré disposer de ce qu'il possède : mais il n'en est pas de même des Dons essentiels de la Nature, tels que la vie et la liberté, dont il est permis à chacun de jouir, et dont il est au moins douteux qu'on ait Droit de se dépouiller : en s'ôtant l'une on dégrade son être ; en s'ôtant l'autre on l'anéantit autant qu'il est en soi ; et comme nul bien temporel ne peut dédommager de l'une et de l'autre, ce serait offenser à la fois la Nature et la raison que d'y renoncer à quelque prix que ce fût.
Rousseau Second Discours.


Les économistes ont une singulière manière de procéder. Il n'y a pour eux que deux sortes d'institutions, celles de l'art et celles de la nature. Les institutions de la féodalité sont des institutions artificielles, celles de la bourgeoisie sont des institutions naturelles. Ils ressemblent en ceci aux théologiens, qui, eux aussi, établissent deux sortes de religions. Toute religion qui n'est pas la leur est une invention des hommes, tandis que leur propre religion est une émanation de Dieu. En disant que les rapports actuels - les rapports de la production bourgeoise - sont naturels, les économistes font entendre que ce sont là des rapports dans lesquels se crée la richesse et se développent les forces productives conformément aux lois de la nature. Donc ces rapports sont eux-mêmes des lois naturelles indépendantes de l'influence du temps. Ce sont des lois éternelles qui doivent toujours régir la société. Ainsi il y a eu de l'histoire, mais il n'y en a plus. Il y a eu de l'histoire, puisqu'il y a eu des institutions de féodalité, et que dans ces institutions de féodalité, on trouve des rapports de production tout à fait différents de ceux de la société bourgeoise, que les économistes veulent faire passer pour naturels et partant éternels.
Marx Misère de la philosophie Tome 1. Pages 88-89.

C'est de la nature que je les ai reçus, ces penchants, et je l'irriterais en y résistant ; si elle me les a donnés mauvais, c'est qu'ils devenaient ainsi nécessaires à ses vues. Je ne suis dans ses mains qu'une machine qu'elle meut à son gré, et il n'est pas un de mes crimes qui ne la serve ; plus elle m'en conseille, plus elle en a besoin : je serais un sot de lui résister. Je n'ai donc contre moi que les lois, mais je les brave ; mon or et mon crédit me mettent au-dessus de ces fléaux vulgaires qui ne doivent frapper que le peuple.
Sade 120 Journées de Sodome



Dans l’état théologique, l’esprit humain, dirigeant essentiellement ses recherches vers la nature intime des êtres, les causes premières et finales de tous les effets qui le frappent, en un mot, vers les connaissances absolues, se représente les phénomènes comme produits par l’action directe et continue d’agents surnaturels plus ou moins nombreux, dont l’intervention arbitraire explique toutes les anomalies apparentes de l’univers.
Dans l’état métaphysique, qui n’est au fond qu’une simple modification générale du premier, les agents surnaturels sont remplacés par des forces abstraites, véritables entités (abstractions personnifiées) inhérentes aux divers êtres du monde, et conçues comme capables d’engendrer par elles-mêmes tous les phénomènes observés, dont l’explication consiste alors à assigner pour chacun l’entité correspondante.
Enfin, dans l’état positif, l’esprit humain, reconnaissant l’impossibilité d’obtenir des notions absolues, renonce à chercher l’origine et la destination de l’univers, et à connaître les causes intimes des phénomènes, pour s’attacher uniquement à découvrir, par l’usage bien combiné du raisonnement et de l’observation, leurs lois effectives, c’est-à-dire leurs relations invariables de succession et de similitude. L’explication des faits, réduite alors à ses termes réels, n’est plus désormais que la liaison établie entre les divers phénomènes particuliers et quelques faits généraux dont les progrès de la science tendent de plus en plus à diminuer le nombre.
Comte Cours de philosophie positive, « Loi historique des trois états théoriques » dans la Première leçon, p. 21-22, Philosophie première, Hermann


 Une théorie physique n'est pas une explication. C'est un système de propositions mathématiques, déduites d'un petit nombre de principes, qui ont pour but de représenter aussi simplement, aussi complètement et aussi exactement que possible, un ensemble de lois expérimentales. 
Duhem La théorie physique, sa structure son objet. page 24.

L’interprétation des lois de nature, dans un État, ne dépend pas des livres de philosophie morale. L’autorité des écrivains politiques, sans l’autorité de l’État ne fait pas de leurs opinions la loi – et si vraies qu’elles soient. Ce que j’ai écrit dans ce traité au sujet des vertus morales et de leur nécessité pour procurer et maintenir la paix n’est donc pas immédiatement la loi parce que je l’ai écrit, mais parce que dans tous les Etats du monde, c’est une partie de la loi civile. En effet, bien que ce soit naturellement raisonnable, pourtant c’est par la puissance souveraine que c’est une loi.
Hobbes, Léviathan Chapitre XXVI


jeudi 1 mars 2012

Cycle de cours de P.Y. Quiviger, descriptif !!!!

Programme des enseignements de Monsieur Pierre-Yves QUIVIGER (Université Paris 1)
au Collège Universitaire Français de Moscou du 21 au 29 mars 2012 
Philosophie

Intitulé du cours
 « Le droit naturel »

Synopsis 
Dans une perspective qui sera à la fois conceptuelle et historique, on étudiera le projet du jusnaturalisme, ou théorie du droit naturel. L’approche développée est à l’intersection des disciplines juridique et philosophique et vise moins à rompre avec le positivisme juridique qu’à trouver dans la rencontre de la philosophie et du droit positif les ressources pour critiquer, mettre en perspective, construire les conditions de possibilités, améliorer le droit positif – en se tenant à distance du scepticisme qui marque souvent le positivisme juridique. Le cours entend ainsi d’une part présenter les grands courants du droit naturel et d’autre part poser les jalons d’un droit naturel contemporain qui se distingue fermement du droit naturel moderne (XVIIIe-XXème siècle) sans reconduire exactement le droit naturel des anciens même si son inspiration est dans une large mesure aristotélicienne.



Attention : Les cycles de cours de philosophie auront lieu en Faculté de philosophie (Lomonosovosky Prospekt, 27, korpus 4 / 1 Учебный корпус на новой территории: Ломоносовский проспект, д.27,  корп.4 )


Mercredi 21 mars 2012, 17h00-20h00, ауд.В2 (Lossev/Лосев)
Cours 1 (avec traduction simultanée) :         
Jusnaturalisme et positivisme juridique


Jeudi 22 mars 2012, 17h00 – 20h00, ауд.В2 (Lossev/Лосев)
Cours 2 (avec traduction simultanée):          
Droit objectif et droits subjectifs


Vendredi 23 mars 2012, 17h00 – 20h00,  ауд.В2 (Lossev/Лосев)
Séminaire 1 (sans traduction simultanée) :
Platon et le droit naturel


Samedi 24  mars 2012, 9h00-12h00, ауд.Е-359
Séminaire 2 (sans traduction simultanée) :
Aristote et le droit naturel


Lundi 26 mars 2012, 17h00-20h00, ауд.В2 (Lossev/Лосев)
Cours 3 (avec traduction simultanée) :         
L’obligation et la dette


Mardi 27 mars 2012, 17h00-20h00, ауд.В2 (Lossev/Лосев)
Cours 4 (avec traduction simultanée) :         
La propriété


Mercredi 28  mars 2012, 9h00-12h00, ауд.Г-203
Séminaire 3 (sans traduction simultanée) :
Hobbes et Rousseau


Jeudi 29  mars 2012, 9h00-12h00, ауд.Г-203
Séminaire 4 (sans traduction simultanée) :
Strauss et Villey


Bibliographie de préparation aux enseignements :


Cours 1 à 4 : Norberto Bobbio, Essais de théorie du droit, Bruylant/LGDJ ; art. 4 du Code civil ; Pierre Aubenque, « La loi selon Aristote », Archives de philosophie du droit, n° 25 ; Platon, Gorgias, 426d, 505e-508b ; Henri Joly, Le renversement platonicien,Vrin ; Locke, Traité du gouvernement civil, chapitre II ; Marx, « La nationalisation de la terre » in La Pléiade, Economie, tome I; Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements..., La Pléiade, Œuvres, tome III ; Marx, Le manifeste communiste, chapitre 2, La Pléiade, Economie, tome I ; Marx, Misère de la philosophie, La Pléiade, Economie, tome I. Sade, Les 120 journées de Sodome, Pléiade, Œuvres, tome I ; Pierre Klossowski, Sade mon prochain, Seuil. Aristote, Ethique à Nicomaque, livre V. Auguste Comte, Cours de philosophie positive, Première leçon, Philosophie première, Hermann. Pierre Duhem, La théorie physique, son objet, sa structure, Vrin ; Hobbes, chapitre XXVI de la version latine (1668) du Leviathan + chapitre XXVI de la version anglaise (1651). Carl Schmitt, Théorie de la Constitution, PUF-Léviathan (en part. préface d’Olivier Beaud) + Théologie politique, Gallimard. Cicéron, De legibus, III, 3. Hans Kelsen, Théorie pure du droit, Dalloz. Otto Pfersmann, « Morale et droit » in D. Alland & S. Rials (éds), Dictionnaire de la culture juridique, PUF. Loi du 22 avril 2005 sur les droits des malades et la fin de vie ;  Préambule de la Constitution de 1946 ; Conseil constitutionnel, décision n°83-156 DC du 28 mai 1983 ; Jean-Louis Gardies, Essai sur les fondements a priori de la rationalité morale et juridique ; Conseil d’Etat, arrêt « Madame X », 26 octobre 2001 ; Conseil d’Etat, ordonnance n°249552, affaire « Mesdames Valérie et Isabelle Feuillatey, 16 août 2002 ; loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades. Cour de cassation, arrêt P., 17 novembre 2000 ; art. 1165 et 1382 du Code civil ; L. Aynes, “ Le préjudice de l’enfant handicapé ”, recueil Dalloz, n° 6, 2001 ; O. Cayla, Y. Thomas, Du droit de ne pas naître, Gallimard, 2002 ; M. Gobert, “ Handicap et démocratie ”, Commentaire n° 97, 2002 ; M. Iacub, Penser les droits de la naissance, PUF, 2002. Michel Villey, Le droit et les droits de l’homme, PUF. Marie-France Renoux-Zagamé, Origines théologiques du concept de propriété, Droz. M. Villey, La formation de la pensée juridique moderne. Art. 544 du Code civil. Kant, Doctrine du droit, Œuvres Philosophiques, III, Pléiade ; Aristote, Ethique à Nicomaque, livre V. John Finnis, « Loi naturelle » in Monique Canto-Sperber (dir.) Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale, PUF ; Vincent Descombes, Le complément de sujet, Gallimard. Michel Villey, Douze essais, Dalloz. Conseil d’Etat, arrêt Nicolo, 1989 ; Cour de cassation, arrêt Sté Cafés Jacques Vabre, 1975 ; Jean-Louis Mestre, Un droit administratif à la fin de l’Ancien Régime : le contentieux des communautés de Provence, LGDJ ; François Burdeau, Histoire du Droit administratif ; René Chapus, Droit administratif général ; art. 52 et 75 de la Constitution de l’an VIII ; loi des 16-24 août 1790 ; Conseil d’Etat, arrêt Cadot, 1889 ; Pierre Legendre, Trésor historique de l’État en France, Fayard ; Grégoire Bigot, Introduction historique au droit administratif depuis 1789, PUF ; Jean-Louis Mestre, Introduction historique au droit administratif, PUF ; art. 538, 661, 1792, 2270 du Code civil ; Tribunal des conflits, arrêt Blanco, 1873 ; Conseil d’Etat, arrêt Laffite, 1822 ; Conseil d’Etat, arrêt Lesbats ; Cour de cassation, arrêt Trésor Public c. Giry, 1956.



Séminaire 1 : François Châtelet, Platon, Folio ; Platon, Lettre VII, GF ; Gorgias, GF ; Théétète, GF ; La République, GF ; Les Lois, GF. Jean Carbonnier, Essais sur les lois. Jacqueline de Romilly, La loi dans la pensée grecque.

Séminaire 2 : Aristote, Ethique à Nicomaque, Vrin ; Ethique à Eudème, Vrin ; Les Politiques, GF ;  Constitution d’Athènes, Budé. Pierre-Marie Morel, Aristote, GF ; Francis Wolff, Aristote et la politique, PUF ; Michel Villey, Philosophie du droit, tome 1, Dalloz ; Michel Villey, La formation de la pensée juridique moderne, « Quadrige », PUF. Marx, Fragment de la version primitive de la “ Contribution à la critique de l’économie politique, Editions sociales ; Henri Denis, L’ « économie » de Marx, PUF.

Séminaire 3 : Hobbes, Léviathan, Folio. Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes ; Contrat social, Folio.


Séminaire 4: Michel Villey, Philosophie du droit, Dalloz, La formation de la pensée juridique moderne (op. cit.), Le droit et les droits de l’homme, PUF ; numéro spécial de la revue Droits, 29, 1999. Leo Strauss, Droit naturel et histoire, Champs-Flammarion, De la tyrannie, TEL-Gallimard, La persécution et l’art d’écrire, Ed. de l’Eclat ; Corine Pelluchon, Leo Strauss : une autre raison, d’autres Lumières, Vrin, « Strauss, Leo » in P. Raynaud, S. Rials (éds), Dictionnaire de philosophie politique, PUF-Quadrige. Alasdair MacIntyre, Après la vertu, PUF-Léviathan, Quelle justice ? Quelle rationalité ?, PUF-Léviathan.